Réaligner culture et stratégie

Peter Drucker, théoricien du management moderne, avait marqué les esprits avec cette expression : « La culture mange la stratégie au petit déjeuner. » Cette formule soulignait l’importance prépondérante à ses yeux de la culture d’entreprise – c’est-à-dire des valeurs et des croyances partagées par des collaborateurs, qui déterminent leurs comportements. En référence à ce propos, l’autrice de ReCulturing, Melissa Daimler, propose une relation plus équilibrée entre les deux termes : pour elle, l’idéal serait que la culture et la stratégie « prennent régulièrement leur petit déjeuner ensemble ». Autrement dit, que les deux se réalignent en permanence : à la stratégie d’intégrer les facteurs culturels dans ses orientations, à la culture de s’ajuster à ces orientations pour les soutenir.

Il est vrai que de nombreux exemples prouvent que stratégie et culture vont de pair. Chez Apple, l’attention au design et au détail, qui transparaissent jusque dans le packaging, servent le positionnement haut de gamme de la marque. Chez Amazon, le souci d’optimiser et de comprimer les marges se retrouve jusque dans l’aménagement minimaliste des bureaux.

Pour autant, est-il réaliste de vouloir transformer une culture ? Par essence, celle-ci ne se décrète pas, elle résulte de l’addition de pensées et de comportements individuels. Certes, les fondateurs d’une entreprise peuvent y imprimer leur marque, les dirigeants l’influencer par leurs discours et par l’exemple qu’ils donnent. Mais c’est en fin de compte la cohérence des actions mises en place – normes, processus, symboles, etc. – qui permet d’infléchir une trajectoire culturelle collective.

La mission est ardue, mais n’a rien d’utopique. Des dirigeants historiques ont su impulser des changements culturels marquants. À Saint-Domingue, Toussaint Louverture a mené une révolte d’esclaves qui a fait vaciller les troupes régulières de Napoléon, insufflant l’esprit de liberté et de responsabilité à des hommes en guenilles. Avant lui, Gengis Khan avait introduit les principes d’une administration méritocratique moderne dans la culture clanique des steppes, au-delà de son image de conquérant implacable. Plus proche de nous, Dara Khosrowshahi s’est efforcé de corriger les dérives d’une culture toxique chez Uber. Autant d’exemples qui permettent de dégager des constantes et des pistes d’action pour travailler efficacement sur la culture d’un collectif.

Dans cette synthèse :
– Votre culture est-elle encore pertinente ?
– Reprogrammer une culture : les leçons des grands réformateurs de l’histoire
– Contribuer à l’évolution culturelle par son leadership