Comprendre ses concurrents

« Ça n’a aucun sens ! Ils vont miner toute la profitabilité du secteur : jamais je n’aurais imaginé qu’ils prennent une pareille décision. » De telles réactions n’ont rien de rare, d’après une étude menée par John Horn, auteur de Inside the Competitor’s Mindset. Son enquête auprès de 519 dirigeants d’entreprises occidentales ou indiennes montre que plus de 85 % d’entre eux pensent que leurs concurrents agissent au moins occasionnellement de façon irrationnelle.

Cela pourrait sembler anecdotique. En réalité, ce présupposé d’irrationalité est dangereux. Il conduit à la croyance plus ou moins consciente que chercher à anticiper les mouvements de la concurrence est peine perdue.

De fait, beaucoup de dirigeants focalisent leur réflexion stratégique sur les ressources internes de l’entreprise et les besoins des clients, au détriment de l’environnement concurrentiel. Or les mouvements des concurrents sont bien souvent déterminants pour le succès d’une stratégie. C’est ce qu’illustre l’échec retentissant du brasseur américain Anheuser-Busch lorsqu’il s’est aventuré sur le marché des biscuits apéritifs. Des essais discrets sur des marchés de niche avaient montré un potentiel prometteur. Mais en lançant cette offre à grande échelle, l’entreprise a communiqué très largement, ce qui a immédiatement alerté le leader du marché, Frito-Lay. Celui-ci a réagi de façon très agressive à l’arrivée de ce nouveau concurrent, en baissant ses prix et en multipliant ses dépenses promotionnelles. Ce défaut d’anticipation de la réaction concurrentielle a coûté très cher à Anheuser-Busch : l'échec de cette diversification l'a contraint à vendre à bas prix ses usines à Frito-Lay et ses marques à Procter & Gamble, ce qui s'est soldé par une perte de plus de 200 millions de dollars.

En réalité, une veille concurrentielle fine et attentive peut procurer de nombreux bénéfices : anticiper les réactions des concurrents pour y faire face, identifier le moment opportun pour engager un projet, renoncer à des initiatives qui risquent d’être bloquées par la contre-offensive d’un concurrent, capter les signaux faibles indiquant l’arrivée d’un nouvel acteur… Comment redonner ses lettres de noblesse à ce maillon essentiel de la planification stratégique ? Et surtout, comment focaliser ses efforts sur les données les plus éclairantes pour guider ses choix stratégiques ?

Dans cette synthèse :
– L’analyse concurrentielle, angle mort de la planification stratégique
– Anticiper les mouvements de ses concurrents
– Organiser des jeux de rôles pour mieux anticiper les réactions des concurrents